samedi 17 février 2018

La vie princière (Collection l'Infini, Editions Gallimard) et l'invité (Revue l'infini 141) de Marc Pautrel


J’ai découvert Marc Pautrel dans le dernier numéro (141) de la revue de Philippe Sollers, l’Infini, dans un récit intitulé « l’invité ». J’ai été séduite par son écriture sobre et ne le connaissant pas, j’ai acheté son dernier livre « La vie princière ». Les deux textes racontent des rencontres dans un lieu idyllique (une retraite pour chercheurs ou écrivains en Provence). Le narrateur, un homme, déroule ses pensées. Sans grande envolée lyrique, il nous conte la naissance, l'évolution puis la dissolution du sentiment amoureux. La vie sociale qui nous happe. Chaque récit décrit le déroulement de ces journées dans ces lieux de retraite : la rencontre à deux, la rencontre avec les autres, la rencontre à travers le regard des autres, et comme chacun de nous l’a déjà vécu, le cheminement de sa pensée, cheminement au cours duquel il revient sur sa filiation, son éducation, son origine sociale, sa relation avec sa mère.

     « La vie princière » est une lettre que l’auteur adresse à la femme aimée après l’avoir rencontrée. La femme lui a annoncé dès le départ avoir un compagnon. On découvre qu’elle ne le voit que tous les trois mois. C’est une lettre mais aussi une confession. Dans « l’invité », le narrateur raconte son histoire à la première personne. La femme qui occupe ses pensées lutte contre ses pulsions, se montre tantôt rugueuse, tantôt avenante, «un léopard qui se ferait passer pour un chat ».

      J’ai aimé le leitmotiv du geste de la main de la femme, comme chez Kundera, dans « La vie princière » : « ta main qui oscille comme les paumes de l’aéroport », le charme du geste et tous les messages qu’il contient ainsi que l’annonce du départ qui s’esquisse. L'issue se dessine, se précise, disparaît, puis l'espoir revient, de façon répétitive. Je ne vais pas en dire davantage sur ces textes puisque je déformerais leurs propos en en parlant trop. Ce sont des textes courts, mais amplement nourrissants, bien plus que beaucoup de pavés mal dégrossis. J’ai préféré le texte de la revue. La revue que vous connaissez tous comporte d’autres textes intéressants (récits et essais). Le tirage du livre a été fait en peu d’exemplaires, j’ai été dans deux librairies avant de le trouver.

      Après relecture, je m'aperçois que ces deux textes, « L’invité » et « La vie princière », gagnent en valeur à chaque lecture. Je crois que j'aime beaucoup le rythme du récit qui ondule. Chaque envolée est interrompue par un soubresaut presque impossible à voir venir, puis la musique reprend. Ils sont conduits avec un phrasé derrière l’autre, une modulation, puis une autre ; on pense que l’on va aboutir, le regard s'ouvre ; et ensuite on reprend avec un autre phrasé, une autre modulation, un peu comme dans l’impromptu de Schubert op. 90 numéro 3. On pourrait lire ce livre plusieurs fois sans s'en lasser, comme si la lecture apportait à chaque fois une précision que l'on voit venir, que l'on pense saisir et qui s'échappe à nouveau. Voici donc deux très beaux textes à lire et à relire.
  « A présent elle arrive, un peu en avance, très confiante en elle, très professionnelle, nous discutons du séjour. Je joue mon personnage d’homme sûr de lui, et elle de même, chacun occupe un rôle éloigné de sa vérité brûlante, je parle beaucoup, elle sourit froidement et avec un grand aplomb, puis finalement au bout de quelques minutes et de propos banals sur la beauté des lieux et le travail que j’ai pu réaliser comme prévu, il faut bien que la conversation prenne fin. »
Revue L’infini, 141, "l’invité" ; Gallimard.

« Chaque seconde de ce dîner sera donc pour moi sacrée, jusqu’à la dernière, celle qui nous séparera puisque toujours je finis par être séparé des femmes dont je tombe amoureux. »

La vie princière, collection l’infini ; Gallimard.

La vie princière(collection l'Infini) et l'invité (revue l'Infini) ; Marc Pautrel ; Gallimard.



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