samedi 20 octobre 2018

Caresse


Au milieu de cette bataille, il y a toujours un retour à l’étreinte.

A l’origine, il y avait cette caresse. Les yeux dans les yeux. La seule caresse.
L’unique.
Juste après l'éclosion.

La peau visqueuse, le sang, blanc. Rien, rien qui n’entacherait cette caresse. La plus pure. Les yeux vitreux, un regard de cheval.
Le regard animal.

A l’origine il y avait cette caresse.

La première caresse.

Quelle mère a oublié cette caresse ?
Il n’y a pas d’avant. Enfin si, il y a la divagation de la main qui reprend toutes les caresses, depuis la caresse des cavernes.
Quelle main a oublié cette caresse ?

Il y a la paume qui a parcouru tous les corps depuis le corps des cavernes.
Quelle paume a oublié cette caresse.
Il y a ce regard,
l’animal est en sang, plein de mucus. Il a peut-être hurlé.
D'un hurlement qui s'élève du fond des cavernes.

Il est comme une promesse d’origine. Il est déguisé en origine. 

Il est l’origine.
Plus de terre. Aucune âme. Ni vie, ni peine. Un oisillon s'immole.

Au bout de deux jours, trois jours, déjà les traces des cavernes ressurgissent. 

Il y a ceux qui font dormir leur bébé dans la bonbonnière.
Madame, je vous ramène votre bébé. Il est 7h30. 
Non le mien est là. Contre moi.
Je ne m’en sépare pas.

Il ne pleure pas. Je pleure pour lui. On dit que ce sont les hormones. Ce sont toutes les hormones cumulées depuis la caverne.

L’accumulation des hormones.

Mais qui y a pensé ?

Je sais ce que les hormones me chuintent. Je pleure pour moi, pour aujourd’hui, demain, pour les jours qui suivent.
Des caresses, je n’en aurai plus. De toute façon, je n’en demande point.
Pas de caresses avant que je ne redevienne femme.

Mais les mains des autres femmes, de celles qui m'ont précédée, se souviennent.
Et elles s’élèvent.
Dans une mare. Un lac. Elles s'érigent vers le ciel. Elles sortent de l’eau, elles frétillent. Juste ces mains qui appellent au secours.

Qui me rappellent que ma main pour l’instant occupée.

Bientôt les rejoindra.

La petite bête blottie est contre moi.
Je suis une louve.

Toujours depuis ma mère.
Depuis sa mère.

Toujours des louves. 


Il y en a qui ont saigné. J’ai fait
Saigner un garçon par le nez
Une flaque.

Pleurer une fille par les yeux
Une claque.

Tomber une fille sur le ventre.
Une louve.

Pleurer trois filles en même temps.
Je suis une louve.

La caresse appelle aussi le coup. Et le coup part. Parfois avec violence. On m’a dit, non Madame ce n’est pas à vous de régler les problèmes. J’ai refusé.
Je préserve.

Je préserve la caresse depuis la caverne. Ma mère a donné une claque à une maîtresse. Sa mère a donné des claques.
On a changé de méthodes depuis.

Mais reste cette accumulation d’hormones à la naissance. Cette passation de pouvoir, d’un bébé à l’autre.

Aussi bruyante qu'un vent souterrain.

Claque.

Je ne laisserai personne s’occuper à ma place de l’histoire de ma caresse.
Je m’en charge.
Merci ceux qui veulent m’aider.

Merci ceux qui me répètent, non ce n’est pas à vous de vous en occuper, la psychologue de l’école s’en chargera. Mais qui me garantit que sa caresse sort de la même caverne que la mienne ? A suivi le même chemin que le mien ? Cette prétentieuse va corriger les trajectoires de caresses vieilles de plus de 2000 ans ?

Foutaise.

C’est à moi. C’est ma caresse. L’unique ligne qui remonte à la caverne. Je me fiche de savoir où se trouve cette caverne. Le trajet que fait cette ligne. Les détours.

Les corps se sont effacés depuis.
Et la paume de ma main a ramassé d’un coup de main à l’envolée toutes les poussières, a rassemblé toutes les caresses. Et je ne laisserai personne me dérober ma caresse.

J’écarterai toutes les trajectoires des caresses damnées.

Personne ne viendra entacher ma caresse.



Rita dR

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire