dimanche 27 janvier 2019

Main



Maints gestes que j'épie,
Mais de quelle main êtes-vous vieux ? 

Main douce énonce un son,
un son fuyant et crispant comme une attente contrariée
.
Main frileuse et main mobile se rencontrent, 
et l’étincelle redoutée épanche la braise.

Mais de quel âge est cette main ?
La plus traitre,
la plus agile,
somptueuse agape que nul n’impose.


Et c’est tant mieux, car j’ai la main qui déborde,
tant et tant que je dois la vêtir.
Les yeux railleurs, la bouche fumeuse, pour attiédir le bavardage de mes mains,
mains qui volent comme une éclipse de lune,

comme un pouce sur une peau de prune.

Non et non, les mains n’aiment pas que la soie, les deux mains sur le glaive.
La tôle, la limaille, les débris de verre, 
moi je touche tout, les livres, les peaux, les plaies ouvertes,
une veine,
et le ciel quand s’élève une trille.


Tiens, là, une main a déplacé une chaise, les tasses ont rebondi, mon cœur s’est empli.
De la chaise me parvient la main d’un jeune homme en face, 
avalée par sa lecture,
un coude vissé à la table.

Main tient ses cheveux, soulève sa fièvre.
Ses cheveux ondulent, dessinent un nouveau profil.
Le nez est plus bas, la bouche enfle, les yeux forent.
Il lit protégé par sa
main, mais sa main souffre.


Elle souffre alors que les chaises autour paissent la vie des autres.
Les chaises sont calmes, bruissantes de fer, mais calmes.
Sa
main souffre alors que dans l’immense ballet des chaises, se croisent des pieds, deux à deux.
Les pieds, ce sont des chaises qui se déplacent.


Maintenant sa tête bascule sur sa main.


Sa joue tournée vers le ciel s’empourpre comme si le soleil était tombé du plafond.
Sa bouche s’est entrouverte.
Son livre parle d’amour,
il se cache mais son livre parle d’amour.



Tout livre parle d’amour, c’est trop facile, me direz-vous.
Mais là cet amour le rend si mélancolique que sa main saigne.
Elle a quitté l’entre-deux cuisses,
elle coule maintenant vers le sol.



Main enserrée s’est défaite du corps.
Et moi, je serre mon crayon juste pour voir couler sa main,
et tout le sang de mes amours bohèmes,
de ceux d’un autre âge qui me regardaient dans les yeux tandis que mes
mains s’étiraient.


C’était d’un temps où je rangeais mes sentiments qui un jour éclateraient.
Amours bohêmes que je vous aime de nourrir,
amours bohêmes gonflent mes veines, durcissent ta
main, rebondissent lentement,
amours bohêmes gonflent ma
main, durcissent tes veines, rebondissent lentement.


Fourmillent de mille yeux qui un jour éclabousseront
mes lèvres
          vidées

tandis que mes mains se remplissent.




Rita dR



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